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Massacre de Meilhan (7 Juillet 1944)

L'histoire complète

Massacre de Meilhan (7 Juillet 1944)

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Un groupe en formation

Le groupe du docteur Joseph Raynaud s’est formé courant mai 1944. Parti d’Arrouède où il a un sérieux accrochage avec la Milice, il se réfugie provisoirement dans la forêt de Salherm (Haute-Garonne). Début juin, il rejoint Simorre grossi par de nombreux jeunes résistants de l’Isle-en-Dodon. Après un bref séjour à Tachoires au lieu-dit « Le Plan », il s’installe à St-Arroman. Les 24 et 25 juin, il se rapproche à nouveau de Simorre et s’établit à Villefranche d’Astarac dans les fermes du « Priou » et « Larrée » situées sur les collines boisées proches de Meilhan.

Avec la pression du STO, une partie de la jeunesse rejoint le maquis

Le groupe est divisé en sixaines, chaque sixaine a un chef. Le Docteur Raynaud, chef de groupe, a comme conseiller militaire le Commandant Marcellin. Ces résistants sont pour la plupart des réfractaires au STO ou des jeunes pleins d’enthousiasme et de courage qui, galvanisés par le débarquement allié, veulent participer à la libération de la France. Le groupe compte aussi dans ses rang un patriote fervent, le grand-père Bouet (70 ans).

Un maquis faiblement armé

Le Maquis Raynaud n’est hélas pourvu que d’armes légères et manque de munitions. Le 1er juillet, un message de la radio de Londres annonce au docteur Raynaud un prochain parachutage d’armes lourdes. Il doit avoir lieu dans les prochains jours. Mais déjà le maquis n’a-t-il pas été repéré? Un avion allemand, affirme-t-on, a survolé la région et lancé des tracts invitant les maquisards de la région à rendre les armes.

Un tract largué par l’occupant pour décourager les résistants

Raynaud est prévenu du danger qu’il court spécialement et Ernest Vila, responsable départemental de la Résistance qui est bien renseigné l’a également averti que la situation est dangereuse. D’autres émissaires corroborent ces informations et, le 6 juillet au soir, le camion du maquis est chargé pour faire mouvement le lendemain vers la forêt de Salherm. Mais Raynaud et ses hommes n’en auront pas le temps.

L’encerclement

Dans la nuit du 6 au 7 juillet, vers une heure du matin, des troupes allemandes parties de Lannemezan arrivent sur la zone. La formation allemande comprend trois compagnies de combat du 116ème Bataillon de Grenadiers du 28ème R.I. Allemand soit un millier d’hommes avec mortiers, mitrailleuses lourdes et une quinzaine de camions. Ce sont des hommes aguerris dont certains on fait le front de l’Est. Leur action est particulièrement axée sur la répression des mouvements de Résistance.

La colonne allemande se divise pour encercler le maquis

La colonne allemande se divise ensuite en 2 formations. L’une emprunte la vallée de la Gimone, l’autre celle du Gers jusqu’à Masseube puis celle de l’Arrats pour encercler le Maquis à distance. Les camions sont abandonnés dans ces deux vallées et la progression se poursuit à pied dans la nuit, sans bruit.
Au petit matin, la colonne qui suit la Gimone est aperçue par M. Lafforgue de Gaujan, riverain de la route départementale chez qui Raynaud a passé une bonne partie de sa clandestinité. Il ne peut pas deviner que cette troupe ennemie se destine à l’attaque du maquis car ce n’est pas la première fois que des convois allemands circulent sur la route. A titre de précaution, il dépêche néanmoins son fils Jean-Louis au « Priou ». Celui-ci enfourche sa bicyclette, court au village de Gaujan sans rencontrer d’Allemands. La plupart des camions sont déjà passés; ils ont atteint le village de Villefranche et de là, pris la route de Meilhan. Le jeune Lafforgue, abandonnant son vélo, s’élance à travers champs en direction du maquis. Il informe d’abord Félix Péri qui, à son tour, prévient Raynaud et ses compagnons du P.C.

Les maquisards savent qu’ils sont encerclés

A ce moment-là, l’homme de garde, un certain Lecocq dit « Petit-Jean » prévient que des bruits de moteurs sont perceptibles du côté de Lasseube. Le camp est mis en alerte. Une équipe armée d’un fusil mitrailleur (Desgrousillers, Chaunu, les frères Lavache) est envoyée en reconnaissance. Elle ne tarde pas à apercevoir, vers le nord des soldats ennemis qui s’installent en base de feu. Sur le chemin du retour, Jean-Louis Lafforgue, le jeune messager,  débouche du bois du « Priou » et aperçoit à son tour un groupe d’Allemands. Il dévie alors son itinéraire et s’arrête à la ferme Gouau. Les Allemands l’ont vu et pénètrent peu après dans la maison. Les occupants sont en proie à une vive émotion. Mais, par chance, Jean Louis Lafforgue se présente comme ouvrier dans cette ferme et il prétend qu’il vient d’arriver pour commencer son travail. Il a sur lui sa carte d’ouvrier agricole. M. Gouau, le propriétaire, confirme cette version et affirme qu’il s’agit de son valet de ferme. Par chance, les allemands les croient et ils seront épargnés.

Le massacre

Vers 7 heures, les premières silhouettes ennemies apparaissent sur les crêtes et un maquisard ouvre le feu. Il est impossible de connaître les péripéties du combat, faute de témoignages probants. Les rescapés, préoccupés de se couvrir, n’ont eu que des vues partielles de l’attaque et de la défense. Selon les témoignages, le troisième tir de mortier allemand atteint de plein fouet le camion que les résistants avaient chargé de munitions en vue de leur prochain départ.

Le mortier allemand détruit les véhicules et enflamme les munitions

L’explosion fait beaucoup de dégâts. Rapidement, Joseph Raynaud fait partie des tués. Le commandant Marcellin, adjoint militaire du Docteur Raynaud, a pris en main un fusil mitrailleur et a dirigé le tir en direction de Lasseube.
Puis, suivi par son fidèle compagnon Bouet, il a cherché une voie de salut vers le bois du « Priou ». Mais il est trop tard et le secteur est déjà infesté de soldats ennemis. Repérés par les allemands, ils sont abattus dans le ruisseau dit « La Lère ».
Les échanges de tirs durent environ deux heures. Mais le combat est inégal et rapidement désespéré.
Lorsque toute résistance a cessé, les Allemands parcourent les champs, les bois, les ruisseaux en tous sens à la recherche des blessés et des rescapés éventuels.
Impitoyablement, les survivants sont achevés. Quatre fermiers voisins sont arrêtés, conduits au « Priou », l’autre ferme voisine. Là, considérés comme des otages, ils sont exécutés sommairement.
Vers midi, les troupes allemandes quittent les lieux. Ils emmènent enchaînés trois maquisards qu’ils ont faits prisonniers. Ils seront sauvagement exécutés à leur tour le lendemain à Lannemezan.

Un lourd bilan

Parmi les tués, Joseph Raynaud, ici avec ses enfants

Le groupe Raynaud comprenait environ 95 hommes. Aujourd’hui, les chiffres établis par l’amicale du maquis de Meilhan sont les suivants :

Seuls 17 maquisard seraient parvenus à échapper au massacre. Les tués et les blessés allemands, quant à eux, n’ont pu être dénombrés de façon précise.

Un passage par le sud permet à 17 maquisard d’en réchapper

Plus tard, quelques uns des Commandants de Compagnie ou de Section seront retrouvés. 4 d’entre eux seront arrêtés à Villefranche-sur-Saône, et ce sont des soldats allemands qui les dénoncent aux alliés comme ayant participé à l’affaire de Meilhan. Ils seront jugés en octobre 1947 pour ce massacre. Un cinquième se suicide au moment de sa capture.

Jacques Chaunu, l’un des rares rescapé de l’attaque, sera également le dernier témoin parmi les survivants. Il s’éteint en novembre 2018 (voir article)