Hauts Lieux de Mémoire du Gers

« Combat »

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Le mouvement fort du Gers

Fin 1941 apparaît comme le mouvement fort du Gers. Il hérite d’une équipe dirigeante solidement soudée par une année d’activités clandestines et à caractère nettement élitiste. Il bénéficie également des ramifications précédemment établies par « Liberté » en plusieurs points du département. Mais il va surtout s’appuyer sur des noyaux de résistance isolés qui ne demandent qu’à entrer dans une organisation d’ensemble. Ces foyers vont constituer autant de points d’ancrage pour l’avenir de Combat. À Gimont, Urbain Brouste a rallié le docteur Angélé (« Pol »), homme froid et résolu, prêt à l’action malgré un handicap physique, souvenir de la grande guerre.
À Mirande, quelques militaires de carrière, originaires de la localité, comme Vignolles, ou repliés, comme Hofalt, n’acceptent pas l’armistice du 22 juin 1940. Le commandant Chevallier, officiers des Chasseurs Alpins, est un autre de ces militaires que les événements ont fait échouer à Mirande. C’est lui qui «recrute» Henri Larcade transfuge du 7e Spahis algérien interné en Suisse. Avec le réfugié de Fessenheim Bergen, Cadéac de Moncassin et Duclos de Mirande, la première besogne de ce groupe consiste à dissimuler des voitures, camions et matériel de guerre dans la forêt toute proche de Berdoues. Là, ils trouvent une aide précieuse en la personne de Marcel Lacoste, avocat et propriétaire dans cette localité, mais aussi chez l’entrepreneur Saucède, chez Débats de Miramont d’Astarac, ainsi qu’auprès de l’équipe de bûcherons espagnols logeant au château de Ponsampère. Les ennuis arrivent par la suite. En mai1941, Larcade est dénoncé par un italien à la gendarmerie comme détenteur d’armes de guerre (sic). Afin d’éviter une perquisition à son domicile, il livre une arme personnelle. Il est cependant condamné par le tribunal correctionnel de l’arrondissement et décide alors de quitter la France métropolitaine. Le 18 juin 1941 sur les indications que lui fournit un officier replié, il se rend à Port-Bou où il compte embarquer pour Gibraltar. Malheureusement le bateau est parti depuis deux jours. En août 1942, contacté par Sahuc de Haget, Villanova et Marambat (Gaston) d’Auch, le groupe des Mirandais, Larcade à leur tête, entre au mouvement Combat.
Dans le Condomois, un noyau se forme autour d’Alexandre Baurens, agriculteur à Beaucaire sur Baïse, ancien militant du syndicalisme paysan et de la SFIO. Avec son ami Odon Lauze il a démissionné publiquement le 17 novembre 1940 de la direction de l’Amicale Laïque et Sportive de Valence, société qui n’entre plus dans les vues du régime. En sa qualité de combattant de 39- 40, il a connu la Légion. D’une réunion tenue à Lagardère il est rentré édifié sur l’esprit qui souffle sur la nouvelle organisation. À son instigation, lors de la grande foire de Condom (25 novembre 1941) une réunion a lieu dans un café de la ville, à laquelle participent Fernand Sentou, maire de Cazaubon, Orgelès, conseiller municipal de Condom, Maurice Espiau, Corne, greffier au tribunal. Il n’y est question que de résistance. Sentou va jusqu’à offrir son aide financière.
Baurens par la suite fait une visite à Vila, lequel lui annonce que Combat a déjà une antenne à Condom en la personne de « Pillet ». C’est la preuve que le cloisonnement n’est pas un vain mot… Vila, néanmoins, le charge de recruter des cadres locaux. Baurens entraîne alors Seguin, maire de Beaucaire et Henri Magenc agriculteur à Montréal. À Vic-Fezensac, le groupe d’opposants au régime comprend: Hervé Briscadieu, tôlier; Pierre Capion, secrétaire de mairie, Louis Escousse, infirme civil et comptable au garage Fourès ; Élie Labat, boulanger ; Louis Laplane, plombier ; André Pellaroque, coiffeur ; Gaston Saint- Avit, propriétaire agriculteur; Roger Brihaye, imprimeur; Maurice Poncelet, artiste peintre ; le Danois Petersen (ces trois derniers réfugiés en 1940). On ajoutera Yvan Lalanne, représentant en vins et spiritueux ; souvent en déplacement, il fréquente de nombreux résistants, ainsi les frères Auriol à Perpignan. La première réunion, informelle, se tient chez Labat, peut-être au début 1941. Y assistaient, venant des communes voisines, Louis Mauroux, minotier à Saint-Jean-Poutge et André Dat, propriétaire agriculteur à Roquebrune. Quand, en août1941, Jean Fourès rentre d’Allemagne comme rapatrié sanitaire, il se joint au groupe qui n’est d’ailleurs composé que d’amis politiques d’avant-guerre. À Villecomtal-sur-Arros, à la limite du Gers et des Hautes- Pyrénées, la résistance commence par le notaire Albert Soulès, capitaine de réserve dans l’artillerie, entouré de Jean Duffard, Paul Morère et Louis Martin. Ce dernier, boulanger de son état, saisit l’occasion de ses tournées à la campagne pour sonder ses clients disséminés sur onze communes de la vallée de l’Arros. Ses renseignements sont extrêmement précieux pour la Résistance, désormais fixée sur les sentiments des uns et des autres. Ces Villecomtois n’ignorent naturellement pas Alexandre Sahuc, capitaine d’aviation en retraite, à Haget, depuis juillet 1940. Breveté pilote militaire dès 1917, coupe Bréguet en 1925, il va presque de soi que Sahuc ne saurait accepter la défaite. Il songe à gagner l’Angleterre par l’Espagne et le Portugal. Cependant, se sachant, dès 1938, déjà atteint par la limite d’âge du personnel volant, il renonce à son projet. Lorsqu’il vient à Auch, Sahuc rencontre des amis francs-maçons comme Osmin Lacroix et Ernest Vila. Selon son propre aveu, ce ne sont que des conciliabules, à l’automne 1940. Au début 1941, il prend langue avec un professeur du lycée Th. Gautier de Tarbes : Louis Bacqué. Ce dernier le met en communication avec des résistants auscitains : des tracts passent ainsi d’un département à l’autre. La même année Louis Bacqué est révoqué de l’Enseignement pour son appartenance au « Grand orient de France ». Sahuc est appelé à jouer un rôle important à l’échelon régional, à la charnière de l’AS et de l’ORA. Quant aux éléments en place à Villecomtal ils auront davantage de relations avec la résistance des Hautes-Pyrénées, étant donné leur proximité de Tarbes. À Lombez-Samatan, le commis des Contributions indirectes, naguère militant de la CGT, est une des rares habitants du Gers à avoir entendu l’appel radiodiffusé (le premier ou les suivants) du général de Gaulle. Il a pour premier compagnon à Lombez, Jacques Beaulis, transporteur. Leurs opinions politiques ont d’ailleurs toujours été identiques.
Le Docteur Raynaud se révèle lorsque la radio de Londres invite les Français à boycotter les cérémonies officielles marquant la création de la Légion française du Combattant.
Lombez, ancienne sous-préfecture, est une ville appelée à faire parler d’elle durant toute la période de guerre, en dépit de sa réputation de cité calme. Les séances de cinéma, houleuses quand passent « les actualités » contrôlées par la Propagandastaffel, apportent un premier démenti. Le 7mai 1941, dans un communiqué de presse, l’exploitant de la salle menace de fermer son établissement. Mettant à profit ses tournées professionnelles, Deltour s’emploie à faire des adeptes dans son secteur qui englobe les cantons de Lombez, Samatan, Saramon, L’Isle-Jourdain. Dans cette dernière, les instituteurs Barnabé et Combes vont devenir d’ardents propagandistes de Combat.
À Simorre, un nouveau venu un peu énigmatique par son nom Yan Bernard Morel de Monthaut dit «Yann Bernard» ou « DYL » fait rapidement parler de lui. Grand blessé de la guerre 1914-1918, rescapé du tétanos, communiste, il a fait partie d’une organisation chargée du sabotage des usines allemandes. Il constitue sur-le-champ un noyau de résistance qui reste indépendant jusqu’au jour où Madame Bécanne, femme de lettres à Lombez, le présente au docteur Raynaud.» DYL» a son souffre-douleur tout indiqué en la personne du très actif président communal de la Légion, percepteur de son état. Dans le canton de Lectoure, le maire de Saint-Mézard, Théodule Cantaloup, engagé volontaire à dix-huit ans pendant le premier conflit mondial, a versé des larmes à l’annonce de la capitulation de l’Armée française. Il agit en précurseur pour la délivrance de fausses cartes d’identité. Dans cette commune rurale, à l’extrême nord du département, deux familles israélites, réfugiées d’Allemagne, ont trouvé un asile sûr. Cependant c’est un Sarrois, nommé Lazars, démobilisé de la Légion Étrangère, certainement envoyé par le colonel Schlesser qui commande le 2e Dragons à Auch, qui bénéficie, semble-t-il le premier, d’une fausse carte d’identité établie par la mairie de Saint-Mézard : l’intéressé prend alors le nom de Charles Lannier, né le 9 avril 1910 à Constantine. La pièce, datée du 10 novembre 1941, a toutes les apparences de l’authenticité, jusqu’au jour où… son titulaire se fait prendre à Toulouse par la police française, porteur de deux cartes, la vraie et la fausse ! Cantaloup se sortira néanmoins de ce mauvais pas, non sans s’être fait tancer par l’autorité préfectorale.
À Eauze, outre le pharmacien Montin, on trouve le menuisier René Desqué, contacté par Moreau de Tarbes dont un frère, agent d’assurances, est établi dans la capitale armagnacaise ; Jean Sarramiac, employé à la Société d’électricité « La Pyrénéenne » ; Georges Bordeneuve, technicien géomètre du cadastre. Toutefois, Jean Sarramaniac a un pied à Combat, l’autre à Libération, étant donné les attaches de son père à ce mouvement d’inspiration syndicaliste. Mais les Elusates s’entendent très bien, notamment pour agir contre les collaborateurs nombreux et actifs dans la région ; de la sorte ils bénéficient de la double littérature Combat et Libération. Quand la première n’arrive pas, ce qui est fréquent, ils se rabattent sur la seconde feuille.
Dans le canton d’Aignan, deux résistants adeptes de Combat finissent par se rencontrer : il s’agit d’Abel Sempé et de Maurice Parisot.

Sources : Guy Labedan – archives privées

Pour en savoir plus

http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Combat%20(r%C3%A9sistance)/fr-fr/