Génèse de la bataille
En Juin 1944, l’agent secret anglais George. R. Starr « Hilaire » pilote déjà le réseau du SOE « Wheelwright » depuis un an et demi. Depuis le repaire discret que lui offre Castelnau sur l’Auvignon, il a déjà réussi à organiser de nombreux parachutages. Il participe également avec des Résistants Italiens, Espagnols et français à l’organisation de forces armées dont le rôle doit être d’intervenir militairement contre l’armée d’occupation pour appuyer l’offensive alliée après le débarquement du 6 juin 1944.
Dans les mois qui ont précédé, la situation du réseau est devenue tendue. Les Allemands qui ont compris que des actions clandestines étaient menées dans le secteur, ont déjà procédé à quelques arrestations. Les membres fondateurs du réseau « Victoire » sur lequel « Hilaire » a développé son propre réseau ont dû être exfiltrés vers l’Espagne quelques mois plus tôt. Mais les renseignements allemands n’ont pas encore localisé le P.C de « Hilaire ». En prévision du débarquement, George Starr a notamment prévu au début de l’année 1944 l’installation d’un camp de partisans à Castelnau-sur-l’Auvignon. Il a constitué à cet effet d’importants dépôts d’armes. Par sécurité, « Hilaire » a aussi commencé à organiser une défense.
Le soir du 6 juin 1944, date du débarquement des Alliés en Normandie, les volontaires affluent à Castelnau, les plus gros effectifs provenant de Larroque-sur-l’Osse où s’étaient rassemblées les recrues des environs. Deux compagnies sont mises sur pied auxquelles il faut ajouter un corps franc, une section antichars équipée de bazookas ainsi qu’un fort détachement de combattants espagnols commandés d’abord par Carrasco, puis par Tomas Guerrero, dit Camilo, qui a remplacé tout récemment le commandant Plazuelo, tué le 9 juin à Saint-Maur.
Les Causes immédiates de la bataille
Il est probable que les allemands, à cette époque, commencent à resserrer leurs recherches du maquis vers Castelnau. Mais un évènement va précipiter le destin. Parmi les hommes qui entourent « Hilaire » on compte en effet des guérilleros espagnols au sein desquels existent des tensions liées à leurs obédiences politiques respectives. Conséquence de ces tensions, un hasard va provoquer la rencontre fortuite entre un détachement allemand et un petit groupe d’espagnols le 20 juin 1944 à Francescas. Le samedi 17 juin 1944 un différend est survenu entre : Ortega Guerrero dit « Camillo » et Julian Carrasco dit « Zorro ». Le problème est politique et aussi lié à l’ambition de « Camillo ». Le mardi 20 juin 1944, « Camillo » qui n’accepte pas que « Zorro » se soit retiré de Castelnau pour rejoindre le bataillon néracais de Lapeyrusse, donne l’ordre à six guérilleros de le ramener pour le juger. Une première tentative échoue car « Camillo » n’a pas donné d’ordre écrit. Le groupe fait donc demi-tour et ayant obtenu ce document, repart pour Francescas où entre-temps un convoi réquisitionné par les allemands a stationné. La rencontre est inévitable. Surpris les guérilleros tirent mais le dispositif allemand les élimine, sauf un qui en réchappe. Le commandant du convoi allemand découvre l’ordre écrit en fouillant les dépouilles et apporte à son Etat-major et l’occupant fait définitivement le lien entre Castelnau sur l’Auvignon et la Résistance. La localisation du camp de Castelnau sur l’Auvignon est désormais acquise.
L’affrontement inéluctable
Un assaut militaire sur le village est alors décidée par la Wehrmacht et au matin du 21 Juin plusieurs centaines d’hommes (5 à 600) sont massés autour du village et environ et 200 d’entre eux font mouvement pour l’encercler. A Castelnau, les Résistants sont environ 300 et disposent d’un armement léger. Des munitions ont été stockées dans la tour du vieux château. On note également la présence de plusieurs prisonniers capturés au cours d’opérations récentes. Il s’agit se soldats allemands ainsi que de quelques collaborateurs et miliciens. Ils ont été enfermés dans la vieille tour carrée du château. « Hilaire », plus familier des opérations d’espionnage que des manœuvres militaires délègue l’organisation de la défense à quelques hommes d’expérience.
L’organisation de la défense
Suite aux incidents du 20 juin, « Hilaire » a fait renforcer la veille au soir les postes avancés sur les axes qui mènent à Castelnau car, prudent par nature il se doute qu’un problème éventuel risque de se présenter, et nul n’est au courant que Eusebio Salegui n’est pas prisonnier ou encore blessé mortellement mais libre et sauf. Les maquisards détiennet des prisonniers allemands, suite à de précédents coups de main. Ils ont aussi arrêté des collaborateurs ou miliciens. Starr fait, à leur demande transférer les prisonniers allemands de l’église jusque dans la grange située à l’entrée du village, puis dans les sous-sols de la mairie école. En effet, les prisonniers allemands affirment qu’ils ne veulent pas être enfermés avec les « mauvais français » (miliciens et collaborateurs). Il place, sous le commandement de Roger Prost, les diverses équipes de combat à des points stratégiques et ce, comme cela a été dit par crainte de représailles à la suite des incidents de Francescas. Starr compte également autour de lui ses deux radios Annette et Pierrot et deux courriers Colette et Maguy. Il décide de donner le commandement militaire à Roger Prost et à son adjoint Herlin. Weber et Hornoga sont placés à la tête des compagnies d’infanterie, André Lalanne commande le corps franc, Abel Abeillé et Desmoulin commandent les sections de combat et Solal l’unité anti-char. Robert Bloch assure la gestion des explosifs et le Docteur Deyries organise le service de santé.
Les Combats
Tous les témoignages rapportent que dès le petit matin, soit au village soit sur les postes avancés vers La Romieu, chacun, avant les premiers accrochages s’occupe pour déjeuner, vérifier les armes, échanger avec les camarades. Finalement, les combats commencent au matin. Selon le contenu du journal de marche du 28ème Régiment d’artillerie, et du 661ème Bataillon de « Pionniers », qui constituent le détachement du KG de l’Etat-major de la 189ème Division d’Infanterie, les allemands attaquent avec l’effectif d’une compagnie commandée par le capitaine Debuan (dont les ancêtres étaient français), soit plus ou moins 200 hommes. Le chef de section Schosque dirige la progression des troupes parties de La Romieu et de Aurens pour attaquer le maquis de Castelnau. Les témoins donnent des indications sur l’heure des accrochages et des évènements avec des variables mais le temps officiel est « l’heure allemande » soit GMT + 2 à partir du 3 avril 1944.Ainsi le mercredi 21 juin 1944 la tête du convoi allemand se met en route à partir de La Romieu et d’Aurens à + ou – 7 heures soit + ou – 5 heures (solaires) (5 + 2 = 7).
Dès les premiers échanges avec les troupes allemandes, Kornell, l’un des allemands prisonniers à Castelnau, déclare aux hommes de « Hilaire » Starr que les tirs entendus proviennent de mitrailleuses M42 allemandes. Pressentant que le rapport de force tournera en faveur de la Whermacht, il émet le souhait d’être l’interprète auprès de ses camarades du bon traitement qui lui a été prodigué.
Les divers axes suivis par les allemands
Les troupes allemandes sont arrivées de nuit en convoi (camions réquisitionnés à Montauban avec chauffeurs civils. Les itinéraires empruntés sont depuis Astaffort : Pergain-Taillac, D 164 en direction de La Romieu et de Lectoure. Lectoure, La Romieu par Marsolan, objectif Castelnau par le chemin rural menant via Canteil, Castaing, Miqueau. La Romieu par la D 41 menant à Condom, sur peu de distance.
Les affrontements vont durer jusqu’aux alentours de midi. Durant cette période les Résistants vont réussir à mettre en œuvre leur repli face à un ennemi aguerri, plus nombreux et, surtout, armé plus lourdement. Avant leur fuite définitive, le Résistants parviennent à faire sauter le tour du vieux château où se trouvait le dépôt de munitions. La déflagration est telle qu’elle est entendue à des kilomètres de là. Puis, les allemands prennent possession d’un village désert et à moitié détruit et ils achèvent de le détruire davantage. Parmi les pertes on dénombre dans leurs rangs 4 tués. Côté résistants, trois français tués et 8 espagnols. On considère qu’après l’attaque 120 guérilleros et 180 français soit plus ou moins 300 combattants ont réussi à se replier. Un nombre inférieur aux effectifs de la Wehrmacht qui avait des réserves non engagées.
Pour Castelnau, ruiné, le bilan est sévère . Mais le rôle qu’il aura joué dans l’avènement d’une Résistance bientôt victorieuse lui vaudra d’être distingué de la médaille de la Croix de Guerre.