Hauts Lieux de Mémoire du Gers

André Moncassin

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André Moncassin

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Portrait d’André Moncassin dans la revue « Gueules cassées »

N° 357 – Juillet 2021

 

 

TEXTE ORIGINAL DES « MÉMOIRES » D’ANDRÉ MONCASSIN

Mon parcours

Né à PANASSAC (32140) le 22 mai 1926 ; marié, 2 enfants. Instruction : C.E.P. + 2 ans C.S.,1938 à 1939, époque à laquelle nous accueillons à MASSEUBE les familles de réfugiés espagnols victimes de la débâcle des républicains espagnols, dont les enfants de notre âge, sont admis parmi nous à l’École Publique. Ils deviennent nos amis.

A 14 ans, (1940), je suis parfois invité à apporter mon aide à monsieur Louis LABADENS, épicier en gros, en réalimentant ses stocks de sucre et de soufre. Je participe aux transferts de ces produits, char de Boulogne sur Gesse ou d’Auch, et déchargés à la réserve à MASSEUBE. Je suis également invité par M. Olivier ABADIE pluri-commercial, à lui prêter mon aide, en l’accompagnant au marché de MONTRÉJEAU (31) où il s’approvisionne en légumes qu’il apporte à MASSEUBE afin de nourrir la population grossie par l’arrivée de tous les réfugiés, lorrains, du nord, etc. Les vacances scolaires terminées, hébergé dans ma famille, les moyens ne lui permettant pas d’assumer la charge de frais de pension au collège de Mirande, ou d’Auch, je me dois de participer à ses ressources et, pour cela, le 1er août 1940, mon père me fait engager dans mon village comme apprenti chez un réparateur de machines agricoles, atelier d’Henri FERRAN pour 8 francs (1940) de l’heure, 48h/semaine, bien entendu sans couverture sociale.
Je débute la journée à 6h.30, chez Monsieur Hector AUBIAN, vétérinaire, afin de procéder au nettoyage des filtres du Gazo-France qui équipe sa traction-avant Citroën (11 cv), outil nécessaire pour effectuer une moyenne de 250 km/jour. J’y suis employé 1 heure/jour pour 5 francs l’heure (1940). Il m’arrive également de répondre aux demandes de M. Émile RIEU, boucher à MASSEUBE, afin de conduire, par la corde, à l’abattoir, 1Km (nous sommes en guerre), pour 5 francs l’unité, les veaux requis au marché hebdomadaire situé au foirail accueillant avec son Monument aux Morts, son kiosque à musique, sa bascule poids lourds. Ce n’est qu’en 1937/38 que fut érigé « la boulette de l’époque » le Château d’eau. Il est permis de penser que sa construction en point bas, aurait été convenue afin d’éclipser la belle villa LORETEGUIA, que Monsieur AUBIAN, venait de construire sur un terrain acquis à Madame DUCOS.
C’est dans ce milieu que je vis, dans le contexte de la défaite de notre Armée et de sa débâcle de 1940, entouré de militaires, munis d’armes individuelles de la cavalerie et aviateurs, hébergés au château de Mlle BÉLIARD, situé aux Stournès, devenu École SAINT-CHRISTOPHE. Ces troupes repliées sont disséminées dans nos campagnes. Il faut savoir que cette débâcle fit de notre région un havre d’accueil. Nous avons reçu du personnel des usines KULMANN hébergé dans notre église de MASSEUBE. Durant la journée, ne trouvant pas de cidre, les rendez-vous s’expriment devant nos débits de vins où sont installés des tonneaux accueillants. Les nombreux réfugiés lorrains de la banlieue de Metz, MARIEULLES -VEZON sont, à leur tour des nôtres pratiquant la cohabitation qui permet des rencontres amicales et de nombreuses compositions de familles. Pour en citer, quelques-unes, les Familles BARTHÉLÉMY, CHARPENTIER, CHOISEL, GAUGUÉ, GARCEAU, MAUCOURT. Gabriel MAUCOURT, est un grand garçon, aux chaussures odorantes, employé commis à la ferme de M. SAINT-GERMAN. Gabriel s’engage avec nous au Corps Franc POMMIÈS. Le jeune CHOISEL, que j’ai bien connu à l’atelier d’Henri FERRAN, était un garçon qui transformait les pièces de 2 francs en bagues (dorées). Nous pensons avoir fait le nécessaire, dans notre Gers perdu, pour accueillir nos amis réfugiés où le ravitaillement était possible grâce aux échanges avec les agriculteurs qui sont les clients de mon employeur, dépanné en pièces de rechange nécessaires aux charrues, moissonneuses-lieuses, faucheuses toutes marques et contre-marques, grâce à un fournisseur de pièces toulousain, ROFFO, que mon patron ravitaille. Ce qui est fréquent, l’’hiver, la livraison de quartiers de veau, que je transporte à vélo, 4 voyages /veau, de chez Monsieur LACOSTE de LOURTIES, à l’atelier, à l’aide d’un sac tyrolien volumineux fabriqué spécialement en tissu de toile de lieuse. Ces commandes sont accompagnées, à la livraison, de bouteilles, vert sombre, emplies de graisse de canard, ou de porc, dont le plein est terminé par un verre de lait. Il m’est arrivé de remplir une bouteille d’oxygène de 100 LITRES (soudure autogène, vidée de son contenu), de haricots blancs secs, un par un …. Tous ces produits sont livrés à TOULOUSE, en franchissant les rigueurs de l’OCTROI ! J’avais 15 ans.

 

MA VIE SOCIÉTALE

Ayant été élevé dans la pratique de la religion chrétienne, je suis contacté par les abbés pour servir les offices, avec l’autorisation de mes parents et participer aux différentes cérémonies. Je suis même sollicité, vers 10 ans, pour poursuivre mes études au séminaire d’Auch. Maman s’étant renseignée sur le mode de vie dans cet établissement, nous obtenons l’emploi du temps qui débute par une soupe au petit déjeuner. Je dis à maman stop, je préfère ton Boucao. N’empêche que je persiste à servir la messe et me trouve à conduire et à assister monsieur Albert Le Cloarec, non voyant, organiste pour tous les offices, et à chanter les Dies Ire aux obsèques. Avec M. Le Cloarec non voyant et quelques adhérents à la J.A.C. nos réunions consistent à être invités au concours de manille, au presbytère, avec les cartes perforées de M. Albert. Avec mes copains Scouts de France, nous sommes invités par Madame AMADE présidente du Secours National à quêter en fin d’année par le moyen des AGUILHONNÈS ! qui consistait à nous rendre à 4 ou 5 de nuit, dans les fermes de la commune et à solliciter, en tirant une charrette à bras, la charité en produits de la ferme qui sont ramenés à Madame AMADE.

Sur le plan sportif, étant freluquet, membre du comité de l’Avenir Massylvain je me satisfais du rôle de trésorier adjoint. Je participe aux réunions hebdomadaires au Café MARONNE siège de mon bel et courageux Avenir MASSYLVAIN. qui procurait les douches d’après match, au siège …à la pompe du puits dans la cour du jardin ! Chut, il paraît que ça a changé !. Pas de nouvelles directes.
Ayant pris des leçons de Musique chez Monsieur Bertrand NAVARRE, que je remercie, car elles m’ont conduit à la pratiquer et à m’exprimer en participant à des groupes avec comme instruments à pistons, en premier, alto MIb, puis basse baryton SIb, et à la musique du régiment au cor d’harmonie MIb, mon instrument préféré avec le plaisir d’interpréter en frissonnant avant les belles attaques à découvert. Je me souviens particulièrement de l’Arlésienne de Bizet avec l’adjudant TAUBOIS, ce qui m’a permis d’entrer dans la composition de l’orchestre de Chambre du Régiment du Colonel POMMIÈS et de défiler à STUTTGART, NEUSTAD, LANDAU, SPEYER, IDA OBERSTEIN, BERLIN et PARIS.

Le 01 janvier 1942, je donne suite à l’invitation de M. le Capitaine GINESTET, et signe l’engagement pour la durée de la guerre, en tant que Sapeur-Pompier auxiliaire (Défense Passive). à MASSEUBE – À dater de 1947, Sapeur-Pompier volontaire jusqu’en 1984. (Médaille d’Or).

 

L’OCCUPATION :

Le 11 novembre 1942, la zone libre, c’est terminé ! occupation totale de la France, ce jour-là, la LIBERTÉ s’estompe. Je suis impressionné par les deux auto-mitrailleuses allemandes pavoisées du drapeau nazi qui, venant du Nord (Auch) traversent Masseube.

Action de l’aviation allemande ! un fait qui a marqué notre jeunesse. Un après-midi, certainement en 1943, un avion allemand, probablement victime d’une panne évite l’écrasement, en atterrissant en planeur dans le champ de Monsieur FAULON en bordure de route, sortie sud de MASEUBE, face à ce qui est en 2020 les établissements BAJON. Quoi de plus pour attirer notre curiosité et suivre l’évolution ? Avion intact, ne pouvant reprendre l’air, ce qui a entrainé l’intervention de jeunes mécaniciens allemands venus de Pau. Hébergés à l’Hôtel des Pyrénées (LAGES) à Masseube où, bien soignés, nous pouvons les contacter, ce n’étaient pas des S.S., et suivre le démontage de l’appareil. Un de nous, Henri FURCATTE (Friquet), alors élève à l’École des mécaniciens de la Marine à Toulon était passionné par cette mécanique ! souvenirs sans conséquences. à vérifier sur les rapports officiels Gendarmerie Départementale ?). Autre fait par l’aviation, le mitraillage du camp de réfugiés à MASSEUBE le mercredi 10 janvier 1944 à 21 h., alors que nous dinons à la maison, repas de la tue-cochon, nous sommes surpris par le bruit intense de deux avions allemands Focke Wulf qui, nous l’apprendrons le lendemain, ont mitraillé le camp, faisant 3 blessés évacués à l’Hôpital d’Auch + 3 soignés sur place./ Un soi-disant historien voudrait nous faire croire que les douilles du mitraillage, d’après l’analyse de douilles exécutées en Allemagne, seraient référées U.S.A. !)

Le 7 juillet 1944 dormant à l’étage, rue nationale à MASSEUBE face au bâtiment devenu « Crédit Agricole » je suis réveillé vers cinq heures et demie, par un fort bruit de véhicules. M’approchant discrètement de la fenêtre, j’aperçois de nombreux camions chargés de soldats allemands. De celui de tête en descend un éclaireur qui se dirige vers deux massylvains (R.M. et M.T.) qui, comme tous les matins, se retrouvent au puits, (carrefour central) pour casser la croûte en causant. L’effet en est que le convoi se dirige vers MIÉLAN ! lorsque quelques minutes passées, le convoi fait demi-tour et prend la direction Est, vers SIMORRE. À huit heures cinq, allant prendre mon activité à l’atelier, étant mis à l’amende, devenue coutumière pour 5 minutes de retard (voulues), de la chopine de blanc (0fr, 50) servie par la belle Conchita, réfugiée espagnole, à l’épicerie succursale de KNAEBEL, devenue TOHA, nous ignorons le désastre causé par cette troupe d’occupation Ayant, tout le matin, entendu des explosions, à 13 heures, réunis avec des copains sur le trottoir de Manu, au puits, le cordonnier côté S.O., nous assistons au retour de la colonne allemande, précédée par un motard, certainement nerveux, car il manque son virage vers la gauche, et vient s’affaler dans notre groupe perdant son fusil qui traverse nos jambes. Alors qu’il se relève toujours nerveux, nous sommes informés de l’attaque du Maquis, qui s’est avérée être celui de Meilhan. À 14h. avec Jean ADER, nous nous rendons, à vélo, en ce lieu encore fumant et constatons la macabre découverte. Parmi les corps achevés je retrouve celui de mon grand copain, Jean PÉRI, qui 15 jours auparavant vint me saluer et peut être embrasser, pour me faire part de son départ, « tu pars en Corse ? je ne peux pas te dire où ! ».

Victime de l’occupation, me trouvant dans ce milieu artisanal, forge, etc…. je suis repéré, certainement en raison d’éventuelles qualifications, (mon patron prétendant une autre cause) de ma formation dans la mécanique, et suis convoqué à deux reprises dans le cadre du Service du Travail Obligatoire, (S.T.O.) devant une commission franco-allemande qui opère dans l’actuelle mairie d’AUCH. Pressentant une invitation à aller travailler en Allemagne, je prends les devants et rejoins des cousins tarbais. Ayant fait l’objet de recherches de la part de la Gendarmerie (copie 2), je suis considéré comme Réfractaire au STO. (Carte N°145 du 28 juin 1988 délivrée par l’O.N.A.C. d’Auch). À TARBES, je suis contacté et rattaché au Groupe PIERRE de l’A.S. des Hautes-Pyrénées (certificat N° 1013 du 08 novembre 1948) (copie 3). Il m’arrive de participer à des entraînements dans la grande banlieue tarbaise (secteur de Bazillac). Je n’abandonne tout de même pas mes camarades massylvains (de MASSSEUBE) avec lesquels nous avons envisagé de nous engager et me trouve, parmi les plus jeunes, à vouloir poursuivre l’occupant, intégrés dans un groupe apolitique à base de structure militaire, ce que nous cherchions. Dans notre secteur, nous sommes au premier plan et suivons les entraînements du 2ème Dragon d’Auch dont les éléments sont délogés de leur caserne, bien que le Colonel SCHLESSER n’en ouvrit les portes que les Allemands enfoncèrent le 27 novembre 1942 à 15 h. C’est sur la base de ces chefs patriotes que se créa l’O.R.A. intégrée par le Corps Franc POMMIÈS.
Notre engagement dans l’action, se détermine le dimanche matin 20 août 1944. Apprenant que des Résistants se trouvent en poste dans les fossés en bordure de route à LA BARTHE, avec mon ami Louis DUFFAUT, nous partons en reconnaissance à vélo, et découvrons un sous-officier qui s’avère être belge, Rocket Landcher en bandoulière en surveillance. Nous obtenons des renseignements sur son groupe qui est une Unité du Corps Franc POMMIÈS, en réserve du combat de l’SLE- JOURDAIN (32), cantonnée dans un village situé à 2 km. Munis de ces renseignements, nous retournons chez nous, au village, et réunissons nos camarades autour d’un bon apéro, inoubliable, à la terrasse du Café LAFONTAN, Groupés, nous organisons notre départ à vélo pour l’après-midi… Après en avoir informé nos parents, (avons-nous été raisonnables ?) nous rejoignons le groupe stationné au quartier de NOILHAN, sur les côteaux de CLERMONT-POUYGUILHÈS (32) et sommes évidemment accueillis comme des bleus. Un abri, sous une grange en bordure du hameau de Noilhan, nous est indiqué. Dès l’après-midi, je suis requis pour récupérer des armes camouflées dans la forêt, à l’aide d’une charrette conduite par Robert LE POITEVIN, d’AUCH, qui devint un ami. Le lendemain, je suis affecté à la Section Engins et perçois comme arme individuelle un fusil canadien, des munitions, cartouches, grenades et valises d’obus de mortier de 50. Notre habillement est composé de pantalons de drap kaki (1939), blouson de cuir récupéré aux magasins des Chantiers de Jeunesse, casque des conducteurs de chars, sans visière, mais avec un bourrelet. L’équipement est complété en début d’hiver par une capote (française 39/40), une peau de bique, des gants tissés et des chaussures cloutées. L’instruction militaire nous est dispensée dans les bois. Le département du GERS libéré, le but de mon engagement est de poursuivre l’ennemi jusque dans sa tanière. J’y participe en empruntant, en convoi, des itinéraires épiques. Dans un premier temps, nous sommes dirigés vers le Pays Basque. Premier arrêt, SAINT–JEAN-PIED-DE-PORT, afin, nous dit-on, d’apporter notre appui aux douaniers chargés de surveiller et de contrôler les différents passages pouvant constituer des échappatoires vers l’Espagne pour des ennemis isolés. D’autres, diront que la fermeture de la frontière était motivée par le regroupement des Républicains Espagnols que nous avons effectivement croisés dans les rues du village, vêtus de leur uniforme composé de bleus de travail LAFFONT, fortement galonnés par le moyen de couvercles de boîtes de sardines, dorés en majorité, artistiquement découpés au ciseau. Nous passons une semaine confortablement hébergée au moulin de BÉHÉROBIE (64). Nous récupérons durant la journée, car la nuit nous accompagnons les douaniers, qui nous guident dans leur tournée dans nos montagnes Pyrénéennes. Venant de libérer Estérençuby, village basque, sans combattre, les épouses des douaniers nous invitent à partager le repas de la Libération ! Cette invitation clôture nos « vacances » qui se terminent par l’embarquement sur notre vieux camions (gazobois) à notre niveau, nous n’avons pas d’informations sur la libération de la région mais, néanmoins, nous parvenons à rejoindre Toulouse après avoir emprunté des détours, épiques, notamment la fameuse montée du col d’Osquich (64), (toujours en mémoire) en poussant notre camion-plateau chargé de munitions. Nous voici à TOULOUSE regroupés à l’Hôpital Marchand, et prêts à poursuivre.

Début septembre, embarqués sur des wagons plateaux, à la gare Raynal, nous sommes dirigés vers le nord et débarquons, quelques jours après à DIGOIN. Nous découvrons les premiers effets des combats et les premières victimes au fond de la longue Vallée de MESVRES, parsemée de charrettes abandonnées par les Allemands, tractées par des percherons dont de nombreux sont crevés sur le bord de la route. Je me souviens, à l’inspection (commandée) du contenu des charrettes avoir découvert 3 bouteilles d’Armagnac, prise de guerre qui ne put franchir la frontière ! de la débâcle allemande ! 3000 prisonniers. Dans la banlieue d’AUTUN, nous y trouvons les éléments de la 1ère Armée, équipements américains, tous véhiculent et chars qui nous impressionnent. C’est en ce lieu, que nous retrouvons notre 2ème Dragon qui quitta Auch en novembre 1942 et qui débarqua le 15 août 1944 sur les côtes de Provence. C’est au carrefour de Fontaine-la-Mère que le commandant Robert de Neuchèze du 2ème Dragon (dont la promotion 2014-2017 de Saint-Cyr portera son nom, le 20 juillet 2015) est tué le 9 septembre 1944 sur son char « Notre Dame de Paris ». Le commandant eut l’honneur, entre autres, de faire franchir la Méditerranée à l’Étendard du 2ème Dragon camouflé à LA ROMIEU, commune du Gers (voir l’Étendard Évadé de Daniel Devillers). Le lendemain, c’est le commandant Charles WURSTEISEN qui trouve la mort au Bois de Chantal à Monthelon (71). Plus tard j’apprends que le 8 septembre 1944 l’aspirant Michel DARY, le père de Bruno, sort indemne du mitraillage, par un avion (anglais ?), d’un camion portant identification ennemie, qui fit 3 tués.

Autun libérée (09 septembre 1944). Dans le cadre d’une réorganisation, le Corps Franc est intégré à la 1ère Armée (3ème DIA). Après avoir participé au nettoyage des environs, École des Enfants de Troupe, Séminaires, etc…., nous sommes dirigés vers le Dijonnais et hébergés au château de Sennecey- les-Dijon.
Nous y poursuivons notre formation militaire et entraînement physique. Bénéficiant de la proximité de Dijon, à 5 Km., et pensant être devenus des hommes, nous lui rendons visite tous les soirs afin d’honorer le Chanoine Kir. Avançant par paliers, nous atteignons Fédry (70). Nous y sommes hébergés dans des logements rendus libres, et parfois habités comme le nôtre par son propriétaire âgé. Alors que nous chahutons, un soir bien arrosé, après la découverte de bonbonnes d’alcool de fruits ! La pendule de la maison, ébranlée a chuté «  Ah les saufaches, y m’ont cassé mo pendul ». Le calme retrouvé (notre caporal vétéran 35 ans, le tarbais FONTAN était dans le coup !), nous poursuivons notre formation et bénéficions des produits de la Fruitière Syndicale. Certains de nos aînés, cependant, en naviguant sur la rivière l’Ognon, pêchent à la grenade. C’est dans ce cadre que j’aperçois Georges TREY dans la camionnette de son voisin, BAQUÉ épicier en gros à Castelnau Magnoac. Le 13 octobre nous gagnons SERVANCE, c’est à partir de ce village que nous sommes à nouveau en action et montons à la côte 820. Grimper là-haut, la nuit, assurer la relève, est une épreuve. Arrosés par une artillerie généreuse et une pluie battante, poursuivre la montée, au bord du ravin, dont parait-il je m’approche, ce qui me vaut une recommandation venant de l’arrière : «  fais attention, ne t’approche pas du bord…., je réponds, « tu nous em….. Le copain qui me suit : me dit «  tu sais qui c’est ? « non » – « c’est le colon ! » Surpris ? même pas ! ne le connaissant pas. Toujours est-il qu’ au petit jour, avant d’atteindre la forêt de sapins, franchir les derniers 30 mètres à découvert, en rampant dans la fange, c’est la mise à l’épreuve, la vraie, car là-haut, les arrosages redoublent de violence. À la prise de position, mon chef de groupe, l’adjudant François GUILLERME,30 ans, s’effondre à un mètre à ma droite, atteint par une balle. Dans ce contexte nous confectionnons nos trous individuels, tant bien que mal dans la roche, à l’abri de nos ponchos, avec une pelle pour deux ! Alors que sous le bombardement, j’assure ma protection par la position de l’autruche, un éclat de 10 cm. vient se planter, à 10 cm de ma tête au pied du sapin, que je considère me protéger, c’est en direct. J’apprends, par l’arrivée de cet imposteur, que la vitesse de l’obus est supérieure à la vitesse du son, car l’éclat s’est planté au pied de l’arbre une fraction de seconde avant que je n’entende l’explosion de l’obus. Ce jour-là, je m’aperçois qu’un éclat d’obus est également brûlant. C’est le véritable baptême du feu ! en direct !. L’ennemi ayant décroché, nous descendons au repos à Boulot, commune de Haute-Saône. Le 20 septembre 1944 nous y signons, notre contrat « Engagé pour la durée de la guerre ». Le 11 novembre 1944, nous sommes réunis autour du monument aux Morts de Boulot et rendons les hommages aux Morts pour la France. Dans l’après-midi, nous remontons à la poursuite de l’ennemi vers les Noirs-Étangs (à proximité de Château-Lambert). en bordure de la forêt de La Hêtraie, au-dessus de Gramont, d’où, en nous rendant, par un boyau de 30m., au poste d’observation d’artillerie, nous apercevons le clocher de l’église du Thillot, et dans cet axe, la voie ferrée. Abrités dans des cahutes aménagées par un groupe de Gendarmes que nous relevons. Je suis invité, dans l’éventuel silence et endormissement, à siffloter entre mes lèvres ma référence « CARAVANE » Nous tenons la lisière de première ligne durant 12 jours. Rien ne nous est épargné, la pluie, le froid, la neige, les visites des patrouilles ennemies balançant des catadioptres dans la forêt située à notre droite, qui nous invitent à la prudence et au silence, comme avec mon camarade Léon DARTIGUES, dans la nuit le chat sauvage qui nous surprend sautant sur nos genoux, les paquets de neige se détachant des sapins, le moindre bruit nous fait sursauter. C’est dans ce cadre inhumain ! que nous sommes durement conditionnés au point qu’un jour, alors que nous sommes englués, nous assistons, par notre chef PICARD, auscitain, à la remise en place du Colonel De ROUGEMONT venu nous rendre visite, bien vêtu à l’américaine, bottes chaudement jalousées. Comprenant que ce n’est pas les conditions de ses hommes il met rapidement fin à sa visite. C’est dans ce cadre que nous vivons encadrés par le fameux Capitaine MORIZE, bien servi par son agent de liaison Roger BOUILLON (carnet en P.J.) Durant 8 jours nous sommes en première ligne, discrets, en lisière de ce bois, fréquemment bombardé. La dernière nuit passée en ce poste est très bruyante et laisse présager la relève bienvenue, mais c’était sans compter sur la distribution de gnôle « aux amandes amères ». Le lendemain, le 22 novembre, alors que nous pensions à la relève, nous sommes invités à avancer. La fringale qui me tenaille fait que, dans cette descente, je sois surpris par une boîte de conserves. Je la recueille et découvre la composante qui s’avère être des betteraves. Elles ne font pas un pli ! de même que la paire de chaussures neuves cloutées, récupérées au magasin de la guerre de 40, que je balance pour alléger ma charge, le cuir étant séché alors que me sont confiés des obus de mortier de 50. Cela me permet de poursuivre la descente au cours de laquelle nous sommes stoppés par une mitrailleuse abritée au bas du talweg, légèrement côté gauche, dans ce qui peut être un pavillon de chasse ? Toujours est-il que son tir aboutit et tue notre camarade Raymond FOURNIER, toulousain de 23 ans. Notre descente étant stoppée, notre mortier de 50 est invité à intervenir. Il est servi par Le LlRZIN-MONCASSIN-FONTAN- BOUVIER-GAZ- IZERN. Le temps nécessaire pour le rendre opérationnel, le niveau, etc., le réglage à 200 m. tir direct, tir indirect, et après quelques essais, dont des fumigènes, un obus pénètre par la fenêtre de laquelle se manifeste le tireur et obtient le silence. Ouf ! Au cours de la poursuite, nous assistons par les brancardiers, à l’évacuation douloureuse du pauvre FOURNIER, à l’aide d’une mule. Nous poursuivons et avançons en rampant dans la neige, à 10 m. l’un de l’autre, entre les arbres, vers la côte 700, bombardés par de nombreux obus qui heureusement foirent, dont un qui tombe entre 4 massylvains… et qui… reste silencieux. Ne nous arrêtant pas, nous sommes le 23 novembre, je dois rappeler que nous sommes conduits par notre fameux Capitaine MORIZE, qui est toujours devant. Nous approchons de la crête, capitaine, en tête, lorsqu’une mitrailleuse ennemie se découvre tirant sur notre droite. Le Capitaine stoppe et murmure : Passez-moi une grenade ! c’est ce que fait Gilbert FABÈRES, le capitaine envoie la grenade. Le silence !se retournant vers nous « JE L’AI EU MON FRITZ ! »  Rien ne nous est épargné, la faim, la neige. LILOU s’assied sur un tronc d’arbre, alors que SLEEP, le chien silencieux du « Piston » découvre le corps d’un soldat allemand recouvert de neige. Nous nous trouvons une trentaine au sommet de cette forêt de sapins de la côte 700 à nous préparer à passer la nuit. La question est posée : Qui a des problèmes de santé ? Tous ont répondu : moi ! moi ! moi……Aucun n’est reconnu. Au matin du 24 novembre, départ sur LE THILLOT, pas de contact, la faim, le froid ne nous quittent pas. Ayant découvert une boîte de MEAT, je me réfugie au fond de la grotte, et même froide, fais l’affaire de la conserve. Nous remontons sur le Fort de Château- Lambert  libéré. Le 28 novembre nous sommes dirigés sur Fresse. Nous poursuivons vers La Hutte et le 30 novembre nous atteignons Bussang et poursuivons la montée par une nuit éclairée. Nous parvenons au Plain du Repos où le capitaine monte une patrouille de quatre volontaires, dont René MONTÉGUT. La mission est de reconnaitre la montée au Petit Drumont et le restaurant. La patrouille est de retour trois heures après, alors que depuis, nous avons appris (ANNEXE 1) que les officiers allemands se sont aperçus du déploiement de nos commandos dans la montée du Drumont, et ont décroché. Laissant passer la patrouille sans se manifester (1) Dès son retour, nous attaquons la montée pour assurer la dure prise du site du Restaurant du col du Petit Drumont. Nous allons atteindre le haut alors que nous sommes fortement bombardés, par qui ? J’entends encore, devant moi, l’observateur d’artillerie relié par téléphone filaire, crier à son appareil, « Mais allongez le tir « N…D…D… » C’est au cours de ces tirs que parmi les 15 tués se trouve le Capitaine FRANÇOT. Parmi les nombreux blessés, pris en mains par le service santé, placé dans un garage servant d’abri, dans lequel je trouve une place, se trouve notre capitaine MORIZE, un éclat lui ayant blessé le haut du crâne. Il est évacué, mais vient nous rejoindre le lendemain. Le calme revenu en fin d’après-midi, les allemands ayant décroché, nous avançons. Température -20, brouillard givrant, j’avance au bas de la forêt en contre-bas, nous sommes en montagne, alors que devant moi, sur ma droite, j’aperçois une grande masse noire ! j’arme mon fusil et tire.. mon coup ne part pas, j’ai compris percuteur gelé ! alors que l’intrus, grande masse sombre s’estompe !. Que s’est-il passé ? était-il déserteur ? le frisson passé, je reprends, dans ce brouillard intense et givrant la poursuite en gravissant la pente qui nous conduit au ciel étoilé éclairant la Table d’Orientation. Parvenus à ses pieds, un ordre : faites-vos trous ! Le cadre -30° – 30 cm de neige- au-dessous la pierre et une pelle américaine pour deux. Donc dans une entente parfaite nous sommes regroupés, bien resserrés et récupérons avant de poursuivre notre descente qui va nous conduire à Kruth (68), épique vallée de la Thur. Arrivée attendue par l’ennemi encore, et généreusement arrosés, nous nous mettons à l’abri de la mitraille entre les nombreuses grumes au pied de la scierie. Reprenant l’avancée nous parvenons à la crête du talweg et atteignons une ferme habitée, où le chauffage au bois est allumé, ce qui permet à nos capotes de tenter de sécher. C’est au départ de la patrouille que je suis surpris par la disparition de mon manteau, m’adressant au sous-of, je lui fais part de la disparition. Réponse classique, « tu te défaisant l’objet … brouilles ! » c‘est ce que je fais, mais pas de pot, la capote était la sienne. Donc, je pars monter la garde avec mes copains, une couverture sur le dos. Je fais face au village de Kruth dont la découpe du clocher émerge dans la nuit, lorsque mon attention est attirée par des signaux lumineux émis depuis le clocher. Ayant été scout, je pense bien qu’il s’agit de messages émis en morse d’une durée de 5 à 10 minutes. Surpris, j’en informe le sous-off qui…… (je n’ai pas eu connaissance d’une suite donnée).(Par contre, Jean, mon fils, qui ayant fait connaissance du maire de KRUTH, M. WANGENWITZ, lui en fait part et de ce fait, M. le Maire m’a demandé de lui exposer cette anecdote. C’est ce que j’ai fait le 30/01/2020, faisant l’objet de remerciements.)

En décembre 1944, toujours en montagne (Poche de Colmar). Deux mois au cours desquels nous sommes en permanence diminués par le froid, de -20°à -25°, là-haut, au Gommkopf ; de 1 à 2 mètres de neige, les mules qui nous ravitaillent sont victimes de nombreuses chutes bloquées par les sapins. Chez nous, pas de Char, pas de Para, la nature toute simple, aussi dure pour l’ennemi que pour nous, la garde est limitée au 1/4 d’heure. Crevés, nous nous présentons à la visite au repos, à Odéren, pas de reconnus ! Il faut poursuivre ! Au point que le 2 février, veille de l’attaque de la poche de Colmar, envoyé en mission par le capitaine GOUZY, dans un quartier de l’agglomération d’Oderen pour accompagner un sous-off.., alors que nous franchissons le passage à niveau un minem lancé par une autocanon depuis la route des crêtes expose au sol. Nous sommes atteints par des éclats de l’obus tombé sur la voie ferrée que nous traversions ! Les effets, je prends des éclats de cailloux, plein le visage et la tête. Je parviens à me relever mais par contre je supporte le sous-off., qui affaissé, ne peut se relever. Apercevant, un repère lumineux au travers de rideaux d’une maison voisine que nous atteignons, frappant à la porte qui s’ouvre, une jeune dame nous accueille. Lui présentant le sous-off. devenu unijambiste, qui bien entendu se plaint : lorsqu’elle me dit «  mais fou aussi, fou êtes plessé » effectivement, ensanglanté, à partir de cet instant, mémoire estompée ! que s’est-il passé, je retrouve mes souvenirs à la chambre du Capitaine ! je suis blessé par un éclat qui traverse la boîte crânienne et vient se loger dans la partie orbitaire supérieure. Je suis évacué, sur l’Hôpital de Remiremont (88), et à la suite, l’éclat n’ayant pas été extrait, je suis conduit au 46 T.H américain à Besançon. Opération réussie, pas de séquelle. Ma convalescence terminée, je rejoins mon Unité qui est devenue 49ème RI, à Stuttgart et participe à l’occupation de l’Allemagne, en appartenant à la Musique du Régiment et participant aux nombreux défilés Paris, Stuttgart, Palatinat, Berlin (ou nous avons vécu le blocus, nous obligeant à aller nous sustanter aux foyer américain à TEMPELHOF, ou nous étions accueillis par des géants de plus de 2 mètres qui nous prenaient en charge, comme les anglais qui nous invitaient à la porte du foyer pour nous permettre d’entrer. Par contre, avant de quitter le commandement du CFP 49 RI le colonel POMMIÈS réunit les quelques anciens émus, dont j’étais pour être salués et gratifiés de l’accolade. Merci Mon Général.
Fin févier 1946, je suis convoqué au secrétariat, où il m’est annoncé « Vous avez terminé la durée de votre engagement. Il vous est proposé de retrouver votre foyer ou de poursuivre sous conditions, « départ en Indochine avec les galons de Sergent !

je n’accepte pas et ne rougis pas d’avoir terminé chasseur. Je suis dégagé de mon engagement et, terme approprié « Renvoyé dans mes foyers » le 01 mars 1946.
À cette date, comme beaucoup de mes camarades, je n’avais pas encore vingt ans. Voilà mon histoire qui n’est pas … celle d’un historien.

André Moncassin
Carte du Combattant N° 24262 du 07 juin 1952.
Secrétaire Général de l’Association des Combattants du Corps Franc Pommiès 49 RI
Délégué Départemental des Gueules Cassées 32-46-82

Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur D.P.L.V.. 5 mai 2011) (Défense)
Médaille militaire n° 2937 MR 91
Chevalier dans l’Ordre National du Mérite (D. 15 novembre 2006) (Défense)
Citation à l’Ordre du Régiment avec attribution de la Croix de Guerre avec Etoile de Bronze (O.G.° 1261 du 31mars 1945 Pc Général Koenig. nt Volontaire 1939/19459)