Hauts Lieux de Mémoire du Gers

Tomàs  Guerrero Ortega (Camilo)

L'histoire complète

Tomàs Guerrero Ortega (Camilo)

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Premières tâches de chef : recruter

Conformément aux directives de l’AGE, la première tâche de Guerrero-Ortega en prenant son commandement est d’intensifier le recrutement des combattants espagnols encore dispersés. Il y a dans la région de Fleurance et dans tout le Gers des compatriotes qui ne se sont pas encore engagés dans l’action ; mais il y a aussi et surtout ceux qui ont déjà pris les armes dans des maquis français et qu’il convient maintenant de rassembler sous l’autorité de l’AGE.

Guerrero-Ortega s’installe à Lupiac. Le commandant Plazuelo-Expósito l’a présenté à Parisot à Saint Gô début 44. Guerrero-Ortega sera proche du Bataillon de l’Armagnac, il en recevra des armes, du ravitaillement et des véhicules, mais il en restera toujours indépendant comme le soulignent tous les comptes-rendus de Parisot à ses supérieurs des FFI.

La 35 brigade intègre le bataillon de Castelnau

À la fin du mois de mai 1944, George Starr demande à Gabriel Lapeyrusse, organisateur du bataillon de marche de Nérac, de lui envoyer des bûcherons pour abattre des arbres qui entravent l’utilisation d’un terrain de parachutage. Gabriel Lapeyrusse s’adresse alors à un Républicain espagnol avec lequel il est en contact : le commandant Julian Carrasco, ancien officier de l’armée Lister. Cet officier, membre du Parti socialiste ouvrier espagnol, va accompagner lui-même quatre de ses compatriotes à Castelnau. Pendant son séjour, il gagne la confiance de George Starr et il apprend la présence à Condom de l’un de ses anciens subordonnés, le lieutenant Miguel Colorado, responsable de l’AGE dans le secteur de Condom. Il y est installé comme électricien sous le nom de Michel Castille et a regroupé un certain nombre de compatriotes. Julian Carrasco, en accord avec George Starr, convainc Colorado de le rejoindre à Castelnau avec ses guérilleros : c’est le 7 juin qu’ils s’y installent pour accélérer leur formation militaire.

Apprenant cela, Guerrero-Ortega, tout nouvellement investi de son commandement, réalise que des compatriotes quittent les rangs de l’AGE. Il se présente le 17 juin à Castelnau accompagné de représentants de cette organisation et du commandant André Charles, chef du bataillon FTP Gaston : il harangue les espagnols présents et leur demande de le rejoindre. Les discussions sont houleuses avec George Starr et il est finalement convenu que plutôt que de revenir à Lupiac
plutôt que de revenir à Lupiac, il vaut mieux que les guérilleros se regroupent tous à Castelnau-sur-L’Auvignon où ils sont assurés de trouver des armes“. L’ arrangement convient à George Starr et Julian Carrasco, qui a de l’estime pour André Charles, reconnaît qu’il na aucun mandat pour former une unité. Il laisse le champ libre à Guerrero-Ortega.

Celui-ci reste donc sur place et va contribuer à la constitution du bataillon de Castelnau que Starr organise avec les équipes de parachutage qui affluent. Les Espagnols de Panjas rejoignent le 18 juin au soir, de même que des guérilleros venus de la 8° compagnie du docteur Vincent ou du bataillon Soulés (Simon) de l’AS. À l’issue de ces ralliements, ce sont près de 150 Espagnols qui seront à Castelnau,deux jours avant l’attaque allemande sur le Village ; c’est vraisemblablement le maximum de l’effectif rassemblé par la 35° brigade.

21 juin 1944 – L’attaque de Castelnau-sur-l’Auvignon

Le samedi 17 juin, Julian Carrasco quitte Castelnau pour rejoindre les Néracais, Le 20 juin, Guerrero-Ortega Envoie une équipe de
6 guérilleros vers le nord, soit pour Je le joindre car il le considère comme un « traître“, soit pour contacter Enzo Lorenzi, chef d’un groupe italien des FTP-MOI.

Quelle que soit la raison de ce déplacement, le fait est qu’en arrivant à Francescas, les 6 hommes tombent sur une colonne allemande stationnée dans la localité.
Mitraillés à courte distancesont abattus ; un seul réussit à s’enfuir.

Guerrero-Ortega part rapidement sur les lieux de l’accrochage où il peut récupérer les corps abandonnés de ses hommes et réalise que tous leurs papiers ont été pris; en particulier, les Allemands ont récupéré sur leur chef l’ordre de mission, rédigé à l’en-tête de la 35° brigade stationnée à Castelnau-sur-l’Auvignon”. Guerrero-Ortega aimait à établir des ordres et des comptes rendus en bonne et due forme, comme en témoigne Anne-Marie Walters dans ses mémoires, Cet ordre de mission aura confirmé aux Allemands la présence de résistants à Castelnau.

En revenant de Francescas, Guerrero-Ortega établit un poste avancé sur la route qui mène de La Romieu à Castelnau-sur-L’Auvignon.
C’est ce dispositif qui encaisse tout le choc de l’attaque allemande le lendemain 21 juin. 7 Espagnols sont tués sur place. Le poste
s’est sacrifié et a permis la retraite du bataillon de Castelnau dont les pertes sont légères : 4 de ses hommes sont tués et 2 autres faits prisonniers.

Tomàs Guerrero-Ortega reprend sa liberté

À l’issue de l’attaque du 21 juin, Guerrero-Ortega regroupe ses hommes dans les Landes autour de Montégut et reprend son autonomie par rapport à George Starr. Le 4 juillet, alors qu’il quitté Montégut, au lendemain de l’engagement du Bataillon de l’Armagnac à Estang, ses véhicules sont mitraillés par des avions allemands. Deux guérilleros sont atteints, l’un décède sur place, l’autre le lendemain à l’hôpital de campagne du bataillon à Monlézun d’Armagnac. L’AGE
lui demande alors de revenir vers le Gers et il retourne à Lupiac près du bataillon FTP Gaston.

Au mois de juillet, il veut s’installer À Aignan dont il occupe la mairie. Mais apprenant ceci, Abel Sempé intervient et l’oblige à rester dans les bois de Mazous, 11 kilomètres plus à l’est, toujours à proximité de Lupiac, où il regroupe une centaine de guérilleros.
Durant cette période, d’autres éléments, qui se réclamaient des FTP, le groupe Raffanel peut-être, se sont également installés dans les bois de Mazous au lieu-dit Le cosy. On fait alors sévir dans la région une justice « de classe », en exécutant des notables comme Roger de Caupenne, fervent maréchaliste président de la Légion française des combattants de Vic-Fezensac ou Marc Siame, sectateur du nazisme, propriétaire du château de Castelmore à Lupiac. Beaucoup étaient coupables, mais tous ne méritaient pas la mort. En l’absence de certitudes sur l’identité des auteurs de ces exactions, on les attribuera volontiers « aux Espagnols » pourtant étrangers à ces exécutions.

Le 12 juillet, Guerrero-Ortega participe à la réception d’un parachutage à Bouzon-Gellenave et s’approprie 5 conteneurs, ce qui lui portera tort auprès de George Starr.

Le 10 août, les Allemands font une incursion dans Riscle. Dans la nuit du 10 au 11 août, la 35° brigade fait sauter le pont suspendu sur l’Adour, élément important pour la vie économique locale. Cette destruction était sans doute destinée à prévenir leur avancée vers l’’Armagnac, mais elle est également le signe de quelque ressentiment à l’égard de la paysannerie gersoise dont on ne peut pas direqu’elle ait accueilli les guérilleros espagnols à bras ouverts. On en trouve le témoignage dans les mémoires d’Abel Sempé, issu de la petite paysannerie armagnacaise, qui parle de Guerrero en termes
peu flatteurs.

Toujours indépendant, Guerrero offre ses services à Parisot au mois d’août; les 12 et 13, lors de l’attaque de la garnison d’Aire-sur-l’Adour, celui-ci envoie
la 35° brigade à Sarron, à 13 kilomètres au sud de la ville, pour prévenir l’arrivée de renforts pouvant venir de Pau. Elle ne sera pas engagée.

Revendications

La structuration des FFI progressant dans le Gers, Tomas Guerrero veut prendre sa place dans les structures de commandement. Dans un compte-rendu envoyé le 14 août à Ravanel et Darnault par le lieutenant-colonel Lesur, chef des FFI du Gers, nous voyons que c’est dès le 8 août que Guerrero-Ortega se présente à lui, pour d’abord contester sa nomination. Le 11 août, il revient à la charge et présente cette fois-ci des demandes qui sont peu en rapport avec les effectifs qu’il peut mettre à la disposition des FFI (les responsabilités de commandement sont toujours accordées en raison des effectifs que l’on peut fournir). On convient néanmoins d’un soutien réciproque.

Le soutien mutuel se concrétise en effet puisque le 19 août 1944,alors que s’amorce la bataille de [’ Isle-Jourdain, « l’élément de l’UNE », après avoir pénétré dans Auch avec la 2° compagnie du bataillon, reçoit l’ordre du lieutenant-colonel Lesur de se porter sur Mauvezin et Cologne pour interdire la direction de Montauban. Il n’y sera pas engagé mais recevra l’ordre de revenir sur L’ Isle-Jourdain. Il n’y parviendra qu’après la fin des combats.

À la dissolution des FFI, le commandement de la région militaire réorganise les éléments de l’UNE dans des « bataillons de sécurité » positionnés au pied des Pyrénées; la 35° brigade, ainsi transformée, stationne près de Montréjeau en décembre 1944.

Au mois d’octobre 1944, une partie des guérilleros espagnols se regroupe pour pénétrer en Espagne par le Val d’Aran, mais les troupes de Franco les repoussent en France. Guerrero-Ortega ne participe pas à cette opération.

Le 10 septembre 1944, il a épousé une jeune compatriote âgée de 17 ans dont il aura 11 enfants.

Source : « Le Bataillon de l’Armagnac » – Jacques Lasserre. Editions Privat