Hauts Lieux de Mémoire du Gers

Pierre Duffoir

L'histoire complète

Pierre Duffoir

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1 – LETTRE « POSTHUME » DE PIERRE DUFFOIR
(rédigée par les soins de sa famille)

2 – LE PASSAGE DES PYRENEES
(Témoignage de Josette Baron-Duffoir, fille de Pierre Duffoir)

 

 

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1 – LETTRE « POSTHUME » DE PIERRE DUFFOIR

« Mon nom est Roger Pierre Duffoir. Il y a longtemps que je ne suis plus de ce monde mais j’ai laissé quelques traces que ma fille Josette Jacqueline, par l’intermédiaire de son scribe préféré, va essayer de vous narrer pour satisfaire votre éventuelle curiosité.

Je suis né le 3 février 1912 à Agen, Lot-et-Garonne, puis à l’âge de 6 ans j’ai perdu mon père Joseph Duffoir, tué au front et porté disparu le 24 avril 1918 au Mont Kemmel en Belgique.
Ma mère une femme courageuse et ne disposant que de faibles moyens m’a permis, ainsi que ma sœur, d’avoir une jeunesse relativement heureuse.
Ma scolarité passée, je rentre comme typographe à l’imprimerie de l’Agenais. Appelé sous les drapeaux pour mon service militaire le 20 avril 1933 au 12e régiment d’artillerie coloniale et je suis renvoyé dans mes foyers le 29 mars 34, affecté à la réserve. Puis vint mon mariage avec Paulette et la naissance de ma fille : Josette Jacqueline. Je suis rappelé sous les drapeaux au moment de la guerre puis je suis démobilisé lors de la débâcle, le 20 juillet 1940. De retour Agen je reprends mon travail à l’imprimerie agenaise en zone libre.
En 1942 la France entière est sous le régime de l’occupation allemande. Dans le cadre de mon activité professionnelle je suis alors contacté par un membre de la Résistance et j’intègre le réseau Rodolphe (un réseau du SOE) sous le nom de Félix. Un nom que l’on m’a certainement donné pour ma petite carrure. Je quitte l’imprimerie et me concentre sur mes missions assignées, à savoir faire transiter des documents important d’Agen à Annecy et vers la frontière suisse, souvent en train. Il s’agit aussi d’organiser et de planifier des sites de parachutage dans la région agenaise. Au cours de l’une de ces opérations des containers furent volés et, malgré mes coups de gueule, le mal était fait et les Allemands se montrèrent curieux. Un dénommé Lassauque fut arrêté par la Gestapo (police allemande) et il fût torturé. J’ai été désigné et repéré. Je fus alors entraîné dans un piège heureusement éventé par ma femme Paulette. Je me cachai et je reçus l’ordre impératif de rejoindre Londres dans les plus brefs délais. Ici commence une petite odyssée.

Ne voulant pas laisser ma femme et ma fille en cas de représailles, nous partons tous les trois, en vélo, sur un itinéraire pré-établi par la Résistance afin de gagner l’Espagne à travers les Pyrénées. Cet épisode est décrit par ma fille dans l’annexe ci-jointe. La mort dans l’âme je laisse ma mère et ma sœur qui, hélas,ne peuvent suivre.

Paulette Duffoir, l’épouse de Pierre

Arrivée en territoire espagnol notre groupe est rapidement pris par les carabiniers qui nous conduisent à Viella puis Sor et Lérida. Dans cette ville je suis séparé de ma famille est emprisonné au Seminario Viejo, sinistre est infecte prison. Pour l’anecdote je fus tondu et je perdis définitivement une bonne partie de mes cheveux. Au cours de cette détention, Martin Rendier, un de mes amis d’évasion, que je retrouverai par la suite, parvint à se mettre en rapport avec le chargé d’affaires britannique au consulat général de Grande-Bretagne (l’Espagne et est alors considéré comme un pays neutre). Je suis alors libéré comme protégé britannique. Je retrouve ma famille, dans l’attente d’une décision Espagnole et, après moultes tractations, je suis dirigé vers Barcelone. Là, je reçois un passeport puis nous sommes acheminés vers Madrid et enfin Gibraltar le 14 décembre 1943, heureux de me retrouver avec ma famille en territoire ami.

Le 29 décembre, suite à des caprices météo, nous envolons à bord d’un Dakota vers Bristol en Angleterre.
Je suis de nouveau séparé de ma femme et de ma fille est orientée vers un service où l’on fouille de fond en comble mon passé et les raisons de ma fuite depuis la France. Après ce passage au crible, qui durera plusieurs jours, je suis mis en relation avec le colonel Buckmaster, chef de la French Section du SOE. Il m’accueille et me demande mes projets (celui de retourner en France pour action contre l’ennemi). En binôme avec Martin Rendier nous sommes alors conduits vers un camp d’entraînement secret. Nous y subissons une mise en forme aussi bien physique que psychologique suivi du maniement d’arme diverses, d’explosifs en tout genre, d’études cartographique, d’exercices de mémorisation et d’apprentissage du codage, du camouflage, d’organisation de site de parachutage, ainsi que beaucoup d’autres choses en vue d’assurer le maximum de réussite dans mes futures missions. Pour finir j’apprends à sauter en parachute et, cerise sur le gâteau, je subis un simulacre d’interrogatoire très pénible, type Gestapo, afin d’évaluer mes ressources de résistance humaine.

Ce stage terminé on me renvoie à Londres auprès de ma famille, peut-être pour me tester ou m’observer avant de partir. Dans le courant de avril 1944 je suis convoqué par le colonel Buckmaster chez qui je retrouve Rendier. La mission : un retour en France dans la région de Guer, à l’ouest de Brest, pour réunir des éléments et organiser des zones de parachutage. Après réception d’un message codé, il s’agit également de se lancer dans des actes de Sabotage sur des dépôts de carburant, des voies ferrées, des réseaux téléphoniques etc. Je prends alors mon nouveau nom de code Amédée et Rendier celui de Adolphe. Sur place nous devons retrouver Baudoin un opérateur radio.
Nos préparatifs durent une huitaine de jours et le 15 avril 1944 je rejoins la France, non pas par les airs comme l’avait présagé notre formation de parachutistes mais par vedette rapide. Je prend enfin pied sur la côte bretonne et suis acheminé, après quelques alertes, chez le docteur Jean Le Duc. C’est un membre important de la résistance dans la région de Morlaix. Ce dernier nous procure une dizaine d’hommes que l’on forme immédiatement au maniement des armes et des explosifs sans pourtant passer à l’action.
Baudouin notre radio et alors arrêté, ce qui complique énormément notre mission de renseignements. Je décide alors, par l’intermédiaire de parents et d’amis, d’avoir recours à un autre canal en passant par Castelnau-sur-l’Auvignon (Réseau Hilaire) pour faire transiter nos messages aller-retour avec Londres (tous les détails de cette mission sont décrits dans l’ouvrage de mon ami Rendier dans Quatre ans dans l’ombre).
Le 1er juin un message personnel de la BBC -accusé levez-vous- nous donne le feu vert pour passer à l’action. Vers le 5 juin tous les actes de sabotage sont effectuées dans la plus parfaite organisation ce qui permettra (lors du débarquement qui a lieu le lendemain) de retarder l’armée allemande de 9 jours dans son avancée vers les sites de débarquement.
Je retourne alors à Morlaix pour retrouver le docteur Leduc mais celui-ci a été arrêté par la Gestapo et torturé. Il n’a pas parlé et il est expédié vers l’Allemagne. Mais il parvient à s’évader et nous le retrouverons au mois d’août.
Le 25 août nous repartons vers Londres où je retrouve ma famille, satisfait, malgré la peur et l’angoisse d’avoir accompli et réussi cette mission utile. A mon retour en France, je rentre au service des renseignements français le 1er Octobre 1944. Je suis affecté à la DGER qui m’envoie faire une courte mission en Allemagne. Démobilisé le 25 septembre 1945 je reste dans la réserve avec le grade de sous-lieutenant et suis promu lieutenant de réserve. J’ai effectué une période d’exercices en 1956 et je demande alors, pour raisons personnelles, à être rayé des cadres en 1961.

En complément de ce récit, je porte en annexe mes distinctions. Dans ce récit il se peut que quelques petites erreurs de lieu ou date se soient glissées. Si ce devait être le cas veuillez m’en excuser mais ma mémoire vient de loin et même… de très loin.
Je vous remercie de m’avoir lu. »
Pierre Duffoir, décédé en 2001 à l’âge de 89 ans

Chevalier de la Légion d’honneur
Croix de guerre 39-45 avec l’étoile d’Argent
Médaillée de la division militaire de l’ordre de l’Empire britannique
Croix de combattant volontaire de la Résistance
Croix de combattant 39-45
Croix de combattant avec barrette
Médaille des évadés 39-45

Citation à l’ordre de l’Empire Britannique

 

 

2 – LE PASSAGE DES PYRENÉES

Au lecteur éventuel.
« Je suis la petite Josette. Me voici vers la fin de mon existence et si j’ai voulu une certaine légèreté à mon récit, il ne faut pas oublier les milliers de personnes qui ont vécu des situations semblables et souvent dramatiques. C’était la guerre, la mort, le chaos. »

« Je m’appelle Jacqueline Josette Duffoir, épouse baron. Je suis né le 14 octobre 1932 à Agen Lot-et-Garonne, au sein d’une famille unie et soud ée. Nous vivions ensemble sous le même toit en compagnie de ma grand-mère, veuve de guerre, une femme courageuse et formidable, de mon père, de ma mère, ainsi que de la sœur de mon père, son mari et son fils .

La petite Josette

 

Mes parents m’ont donné une bonne éducation et j’ai aussi vécu ma première jeunesse heureuse et insouciante.
En novembre 1942 Agen est occupée par les Allemands, s’ensuit une période où mon père qui travaillait à l’imprimerie Saint Lanne est contacté par le réseau victoire et il devient actif.
Malgré la discrétion de rigueur de toute la famille je trouvais quelque chose d’anormal dans son comportement et cela sans trop prêter attention.
Le basculement de ma jeune vie eut lieu presque le jour de mes 11 ans .

Mon père, dénoncé et voyant le comportement douteux de quelques individus du quartier sentit l’imminence de son arrestation. La décision fut rapidement prise. Mon père ma mère et moi devions fuir. Le moyen de locomotion le plus répandu à l’époque était le vélo, qui nous permettait dans jours heureux, de faire de longues promenades. En l’empruntant nous partîmes cette fois vers notre destin.
J’avais un petit vélo jaune offert quelques années avant. Je suivis. Nous n’emportions que nos vêtements. Nous sommes allés nous réfugier chez des cousins habitant un petit village (Laplume) à une quinzaine de kilomètres d’Agen. Par précaution on nous fit coucher dans des meules de paille. La prudence étant de mise nous ne pouvions rester.

C’est alors que commenca le périple, toujours en vélo, narré dans plusieurs ouvrages de résistants survivants. Castelnau-sur-l’auvignon, Auch, Tajan… Le 20 octobre nous étions hébergé à Mazères chez les Mansencal, famille en relation avec nos futurs passeur. Etant mise à l’écart et voyant des personnes diverses tenir des conciliabules, je commençais, malgré mon jeune âge à ressentir un sentiment d’inquiétude. Ces personnes étaient en réalité des membres du réseau Victoire affilié au réseau Buckmaster. Par la suite, j’ai appris qu’ils avaient reçu l’ordre de gagner l’Angleterre par un trajet qui consistait à traverser les Pyrénées et l’Espagne pour gagner Gibraltar puis l’Angleterre. Dans la journée, mon père partit en compagnie d’un de ses compagnons et revint avec de gros sacs qui serviraient pour notre voyage. Cela me sembla formidable. Le 25 octobre à 17h après avoir laissé ma bicyclette jaune, je suis embarquée dans une camionnette en direction de Barbazan où se trouvait un petit hôtel.

Nous y trouvâmes quelques gens désireux de profiter de la filière. Dans la soirée un passeur arriva. C’était l’aventure ! En le suivant nous partîmes, toujours dans camionnette, vers la gare de Saléchan ou un petit groupe attendait. Nous étions en tout 18 personnes. C’est à cet endroit où, pour la première fois, je vis des armes, une mitraillette, des revolver que mon père avait été chercher. Un peu inquiète, intriguée, fatiguée, je m’endormis. Vers le soir, le passeur, malgré la pluie, ou parce qu’il pleuvait, nous ordonna de le suivre, non par la route, mais sur le tracé de la voie de chemin de fer de Luchon vers Marignac. Prudemment, en file indienne, nous avancions en silence. Après quelques alertes et la chute de mon père dans un grand fossé, qui me fit rire, nous arrivâmes à Marignac. Le passeur nous rassembla pour nous inciter à la discrétion car nous étions à proximité d’un poste allemand. Deux hommes arrivèrent, le passage était libre. C’est alors que nous traversâmes en courant pour nous retrouver sur un sentier de montagne. Pour une fille de mon âge qui suivait tous ces gens qui m’aidaient c’était formidable mais inquiétant. La pente de ce sentier était raide et tous nous étions fatigués et essouflés. L’obscurité s’ajoutant, les chutes, heureusement sans conséquence, furent nombreuses. Après une nuit pénible et humide, le jour se leva. La pluie froide continuait à tomber. On fit une petite halte, je rejoignis ma mère pour grignoter un peu et me reposer. Toutes ces personnes m’encourageaient avec des mots gentils. Peut-être parce que voyant ma jeunesse et la façon dont je suivais, j’assurais la cohésion et leur envie d’avancer. Les passeurs, il était trois, nous firent repartir en haut montrant la neige qui couvrait le Mont Burat. C’était là-haut que nous allions passer. La pluie et le vent glacial étaient de la partie dans cette marche de plusieurs heures qui m’a semblé une éternité. Soudain ce fut la neige et malgré la fatigue, l’apparition de cette étendue blanche détendit l’atmosphère et quelques boules de neige furent lancées au milieu des rires. Mais nous continuons à avancer, la neige et le vent devenaient désagréable et, pour oublier, un grand alsacien nommé Acacia nous racontait des histoires drôles. Dans cette neige épaisse, sur des passages dangereux qui n’en finissaient pas, nous allions vers Mont Burat.
C’est alors que nous aperçûmes un poteau. Bordes, un des passeurs, nous dit que c’était la frontière. Ce signal ne marquait, hélas, aucune véritable limite et Le Mont Burat que nous devions passer était encore loin. La neige redoublait, le froid, le vent commencait à me faire souffrir, j’étais simplement vêtue et ne portais que des petites chaussures. C’était dur. Je pleurais et il paraît que je me suis évanouie pendant une demi-heure. Un docteur qui était du groupe me ranima et me donna un pantalon de ski qu’il avait emporté. Je repartis pour tomber à nouveau et lorsque je me relevai je fus aidée dans ma marche par le passeur Bordes. La neige redoublait de violence et les passeurs avaient du mal à se diriger. Nous montions toujours. Dans l’après-midi je vis ma mère qui s’écroula à son tour. Ses jambes déformées par le froid ne pouvaient plus supporter ses souliers de ville. Elle les retira et continua dans cette neige épaisse pour s’écrouler à nouveau. J’ai pleuré. Elle souffrait le martyre et elle manifestait son désir d’arrêter. Mais deux hommes la relevèrent et mon père l’a traîna malgré elle. Devant ce spectacle je continuais de pleurer. Nous étions environ à 2000 m et face à cette nature déchaînée, le groupe s’arrêta. Il fut question de retourner quand Acacia, cet alsacien, s’élança dans une pente vertigineuse nous le suivîmes tant bien que mal sur ce relief dangereux. J’étais fatiguée mais l’attention que je portais à ma marche me le fit oublier. Enfin on commenca à voir des arbres, ce qui nous permit alors de nous reposer. Vers 6h nous trouvons une petite cabane avec de la paille et dans une certaine allégresse un grand feu est allumé. Nous étions en territoire espagnol. Les passeurs ne nous avaient pas abandonnés. Ils risquaient cependant leur vie sur ce territoire. Il m’a été rapporté qu’après cette descente infernale, le passeur Bordes avait émis des doutes sur la survie des femmes et de l’enfant. L’enfant c’était moi .
Maintenant tout le monde Riait, peut-être nerveusement, mais c’était rassurant. Quelques victuailles sortirent des sacs et pour nous réconforter on nous fit croquer du sucre imprégné d’eau de Cologne qu’une une femme avait sur elle (cela au grand dam du docteur). Pour boire c’était de la neige fondue dans une boîte de conserve. Au matin du 27 octobre, un espagnol se présenta et moyennant finance, pour éviter un poste frontière, décida de nous guider. Nos trois passeurs nous quittèrent alors. Nous étions en Espagne et nous fûmes rapidement arrêtés. Tout le groupe fut conduit à Les (Espagne) ou ma mère put se procurer une paire de chaussures. Dans les jours qui suivirent, toujours encadré par des carabiniers, nous fûmes convoyés jusqu’à Viella où notre sort fut amélioré et je pus me reposer dans un vrai lit. La nourriture était maigre et infecte. Je me souviens que pour compenser j’ai mangé des figues pleines d’asticots. Après quelques jours on nous transféra de Viella jusqu’à Lérida en passant par Soy par un terrible froid qui m’a laissé une marque indélébile car nous étions dans un camion non bâché. À Soy un policier vint me chercher soi-disant pour me donner à manger (ce qui ne fut pas fait). Je fus assaillie de questions sur le passage et la vie de ma famille et malgré ma jeune naïveté je doutai de mon interlocuteur et mes réponses restèrent évasives. À Lérida on put enfin changer nos vêtements grâce au consulat britannique qui nous avait pris en charge. Mon père qui avait été emprisonné fut libéré par la même voie.
Après plusieurs semaines nous fûmes transférés à Barcelone par le même canal où je connus le luxe d’un grand hôtel. Ensuite ce fut Madrid et le 14 décembre 1943 nous étions à Gibraltar où nous avons fêté Noël.
Le 29 décembre je montais pour la première fois dans un avion, un Dakota, pour arriver à Bristol. On nous sépara des hommes et l’on nous attribua une maison où des militairesvinrent souvent me poser des questions par mesure de sécurité.
Mon père que son destin attendait reprit contact avec nous. Ma mère accueillait pour quelques jours les hommes et les femmes qui partaient pour des missions dangereuses et donc il ne revenaient pas toujours. Sans le savoir je voyais défiler une partie de l’histoire. Cette période londonienne me permit de connaître le bruit des sirènes, la course aux abris et l’attente angoissante de l’impact des V1 (Bombes guidées par les nazis).

Après, vint le débarquement, suivi du retour de mission de mon père. On nous transférera ensuite par bateau en France où nous fûmes installés aux environs de Sainte-Mère l’église chez des paysans. Lorsque le gros des troupes alliées occupa le sol de France et que Paris fut libéré nous rejoignîmes la capitale est, enfin, AGen ou je retrouvai ma grand-mère brisée par l’émotion de revoir ses enfants après un si long silence. Mon père repartit en Allemagne et je retrouvai les lieux de ma tendre enfance… hélas, sans ma bicyclette jaune.
Cette période de guerre ou je décris ma petite saga et la très dure traversée des Pyrénées par le Mont Burat a marqué mon existence et si, maintenant que je suis adulte, ces souvenirs se sont estompés dans le feu de la vie, c’est au cours de ma vieillesse qu’ils ressurgissent avec force. Je suis heureuse que moi, petite fille, j’aie pu servir un moment de mascotte à ce groupe d’hommes et de femmes et ainsi assurer leur cohésion et maintenir leur désir d’avancer, malgré la dureté de leur parcours.
Je ne regrette pas d’avoir accompagné mes parents, un peu malgré moi, dans ces moments difficiles et périlleux. Il est à peu près certain que dans leur joie intime il savaient que leur fille avait appris, au cours de ce périple, ce qu’était la vraie recherche de la Liberté. »

Jacqueline Josette Baron-Duffoir